BARBARA STIEGLER

"Il faut s'adapter" Sur un nouvel impératif politique

SUJET

D’où vient ce sentiment diffus, de plus en plus oppressant et de mieux en mieux partagé, d’un retard généralisé, lui-même renforcé par l’injonction permanente à s’adapter au rythme des mutations d’un monde complexe ?
Comment expliquer cette colonisation progressive du champ économique, social et politique par le lexique biologique de l’évolution ?

La généalogie de cet impératif nous conduit aux sources d’une pensée politique, puissante et structurée, qui propose un récit très articulé sur le retard de l’espèce humaine et sur son avenir. Elle s’est donné le nom de « néolibéralisme » : néo car, contrairement à l’ancien qui comptait sur la libre régulation du marché pour stabiliser l’ordre des choses, le nouveau en appelle aux artifices de l’Etat (droit, éducation, protection sociale) afin de transformer l’espèce humaine et son environnement et construire ainsi artificiellement le marché : une biopolitique en quelque sorte.

Il ne fait aucun doute pour Walter Lippmann, théoricien américain de ce nouveau libéralisme, que les masses sont rivées à la stabilité de l’état social (la stase, en terme biologique), face aux flux qui les bousculent. Seul un gouvernement des experts peut tracer la voie de l’évolution des sociétés engoncées dans le conservatisme des statuts. Lippmann se heurte alors à John Dewey, grande figure du pragmatisme américain, qui, à partir d’un même constat, appelle à mobiliser l’intelligence collective des publics, à multiplier les initiatives démocratiques, à inventer par le bas l’avenir collectif.

Un débat sur une autre interprétation possible du sens de la vie et de ses évolutions au cœur duquel nous sommes plus que jamais.

AUTEUR

Barbara Stiegler est professeur de philosophie politique à l’Université Bordeaux Montaigne où elle dirige le Master « Soin, éthique et santé ».
Membre de l’Institut universitaire de France, elle a publié deux ouvrages sur Nietzsche : Nietzsche et la biologie (PUF, 2001) et Nietzsche et la critique de la chair. Dionysos, Ariane, le Christ (PUF, 2005) .

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